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...
 L'homme sourit
à ce petit "ami"
de l'instant puis
se lève de sa chaise.
L'air radieux,
il invite dans la foulée l'enfant
à en faire autant. Ce dernier prend alors un air désolé en comprenant
que ce moment fugace de complicité
magique qu'il était en train de
vivre avec son idole, va s'achever
là.
Comme pour apporter à ce rêve
éveillé un peu
plus de poids devant l'étendue de
l'éternité, il tarde à se lever,
dégustant le plaisir, et ancrant
plus profondément et à jamais les
sensations de cet moment éphémère,
mais si incroyablement enivrant.
Il sent que ces
frêles minutes représenteront probablement
un des épisodes les plus marquants
de sa vie. C'est le genre de souvenirs que
jamais aucune force, aussi puissante
soit-elle, ne pourra jamais effacer.
Il grignote
quelques secondes parmi les plus
marquantes de sa vie en étant bien
conscient du fabuleux privilège
dont il vient de bénéficier. Mais en gamin respectueux il tient
à se conformer au souhait de son
idole, et se lève.
***
Les deux compères
de circonstance sont maintenant
debout, face à face, comme deux
géants fraternels prêts à se
motiver mutuellement avant de se lancer ensemble dans
un combat commun. Un d'entre
eux a certes quelques pieds
de moins que l'autre, mais ils semblent
ressentir tous deux que la grandeur
de l'âme ne s'est jamais mesurée
à la taille bien relative des humains
dans la dimension infinie de
l'humanité.
Le joueur enlève
alors le maillot de la sélection
portugaise qu'il porte et avec lequel
il vient de jouer son dernier match.
Ce maillot
est pour lui un symbole, celui du
terme d'une carrière remplie avec une
énorme
satisfaction. Il porte en lui des
peines, des moments de déception,
des doutes et des souvenirs cruels,
mais aussi et surtout, d'innombrables
joies et des traces d'une multitude
d'émotions à l'intensité indescriptible.
***
 Luis tend
son maillot au petit Pedro, invite ce dernier à le revêtir,
et tout en le regardant droit dans
les yeux, lui dit d'un air solennel: "Je te le
rends. C'est le tien !"
Pedro est stupéfait
! L'hymne du Portugal
résonne dans sa tête. Le sol semble soudainement résonner
sous ses pieds. Tout son corps frissonne.
Ces mots,
bien que prononcés si faiblement
par Luis, paraissent pourtant
vibrer dans tout le stade. C'est
comme si les hauts-parleurs s'étaient
mis à hurler à l'unisson avec une intensité
désireuse de se faire entendre à
chaque coin du monde...
... La mouette spectatrice
qui balayait majestueusement le
ciel au-dessus du stade, s'en est
allée colporter ces mots jusque dans
les nuages et à tous ses congénères. Quelques mots. Rien
que quelques mots. Mais quel symbole et quelle force ils transportent
en eux. Ils rompent tous les silences et étourdissent l'atmosphère.
L'enfant est désarçonné.
Devant cette
soudaine surprise aussi déconcertante
qu'inattendue, le petit Pedro est en
fait complètement pétrifié. Il devient d'une
pâleur à rendre envieuses les neiges
éternelles, et tremble
de tous ses membres. Ses yeux sont
emplis
de marques évidentes d'une hallucination
croissante; l'adulte qu'il était devenu
en quelques secondes fond
comme une glace au soleil, refaisant
à nouveau place
à l'innocence et à la fragilité
de l'enfant qu'il est en réalité. Ses jambes
sont prêtes à vaciller, au point
que le champion doit le retenir
un instant, de peur qu'il ne s'écroule.
Cet intense moment de
suffocation passé, Pedro, toujours
l'air ébahi et incapable de faire
sortir le moindre son de sa bouche, s'exécute
et enfile cet énorme maillot
du champion, manifestement pas confectionné
pour la taille d'un gamin de
son âge.
Qu'importe...
C'est juré ! Quoi qu'il lui arrive
dans son existence, il pensera que la
vie est décidément fantastique.
La personne la plus optimiste du monde vient de naître
là et à cet instant.
Le maillot lui arrive aux genoux
car il est bien
trop ample pour le petit homme. Mais
la fierté avec laquelle il le porte
fait de lui
le plus magnifique mannequin
du monde. Et même si on lui promettait
le soleil en échange, il ne céderait
pas cet habit devenu pour
lui une fabuleuse étoile dont
les scintillements rayonneront désormais sur sa vie...
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